La montée des fondamentalismes religieux

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La cour suprême des Etats-Unis refuse aux états fédérés le droit de restreindre le port d’armes dans l’espace public, puis reconnaît aux mêmes états le droit d’interdire l’interruption volontaire de grossesse.
Les juges religieux ultra-conservateurs nommés par l’ancien président Trump, lui-même nullement religieux mais cynique et sachant exploiter l’arriération de son électorat bigot, font vaciller la démocratie et illustrent la fracture de la société américaine partagée entre une majorité encore progressiste et une très forte minorité réactionnaire.
Mes lettres annonçaient ces régressions préoccupantes que génère la démission idéologique des gens de mieux, tétanisés par cette montée de tous les fondamentalismes.
Où sont les penseurs d’antan proclamant haut, clair et fort que « toute religion est l’opium du peuple », qu’il n’y a « ni dieu, ni maître », que les vierges qui accouchent, la résurrection des corps et les 66 vierges promises aux martyrs ne sont que des stupidités pour petits enfants.

Ce n’est pas la droite religieuse qui progresse dans le monde, mais les esprits libres qui ont, par pusillanimité, baissé la garde.
Le vaisseau amiral de la démocratie, leader du monde libre depuis la seconde guerre mondiale, tangue dangereusement, ce que confirment ces deux récents arrêts de la cour suprême et les violences fascisantes des partisans de Trump notamment au Capitol le 6 janvier 2021.
Ce grand pays est malade d’un mal qui sévit un peu partout sur la planète : le fondamentalisme religieux.
Qu’il soit islamique, chrétien ou autre, ce mal se traduit par la haine de la liberté de pensée et de mode de vie notamment sexuel (car les religions sont obsédées par le sexe), la haine de la femme quand elle n’est pas la mère, la haine de la raison et de l’intelligence quand elles dissipent les billevesées ridicules des mythes, le mépris de la Nature et des animaux créatures inférieures offertes aux humains, le choix de l’arrière-monde donc de la mort, du sacrifice et de la souffrance, dons de dieu.
Le libéralisme économique s’accommode volontiers de ce reflux de l’intelligence et de cet abrutissement des masses car il a davantage besoin de sujet du marché que d’esprits critiques.
Il y a des oligarques, toujours plus riches des peuples précarisés, la spéculation capitaliste ennemie de la planète. Il y a des altérations du climat, la mort de la biodiversité, l’épuisement des ressources.
Il y a une explosion démographique humaine excessive et l’impératif « croissez et multipliez ».
Mais dormez bonnes gens, dieu veille à tout et l’a voulu ainsi.
Le trumpisme se nourrit de cette soumission des évangélistes américains à la loi divine.
Qu’adviendrait-il si tous ces fondamentalismes, au lieu de se faire des guerres saintes, s’unissaient pour éteindre les Lumières allumées par les philosophes des siècles passés ?
Il n’y a plus grand monde face à eux.
Même nos « camarades politiques » n’osent plus assumer l’athéisme !
CONDORCET, DIDEROT, MARX, FEUERBACH, Louise MICHEL, CLEMENCEAU, au secours, ils sont devenus mous !
Qui ose encore affirmer que le créationnisme n’est pas une opinion mais une ignorance, qu’il est moins grave de supprimer un embryon que de massacrer des dizaines de gens dans une école ou un centre commercial au fusil automatique, que les lois doivent être faites par des hommes et non par des prêcheurs, que la liberté et la raison valent mieux que les dogmes, que les religions créent des identités meurtrières qui enferment l’intelligence ?
Qui leur dira que la vie vaut mieux que la mort, que jouir de caresser une arme relève de la perversité pure, que tout être doté de sensibilité et de la conscience de vivre doit être respecté, qu’aucun dieu ne préside aux injustices et cruautés de leur monde d’abrutis.
Ami progressiste, soucieux de liberté et de raison, n’oublie pas qu’une bataille idéologique que l’on n’assume pas est une bataille perdue.
Demain, un fondamentalisme religieux quelconque imposera, ici comme ailleurs, une théocratie liberticide.
Les Thatchériens ne s’opposeront pas à cette régression de la civilisation s’ils y voient le moyen de défendre leurs privilèges financiers.
Le monde de l’industrie, des affaires, les dirigeants d’entreprise, en Allemagne d’abord, en France après la défaite, se sont accommodés du nazisme, dont la défaite annonçait pour eux la victoire des « partageux" honnis.
Rien ne change.
Les dictateurs instrumentalisent partout la religion pour soumettre leurs peuples, ce qui ne les dispense nullement d’assassiner, d’emprisonner leurs opposants ou de déclencher des guerres d’agressions avec des crimes de masses.
Pour ma part, je ne raisonne jamais en terme d’adhésion à tel ou tel drapeau, mais toujours et partout pour la démocratie, pour la liberté des gens pour la récusation de la violence et de la domination.
Est-ce à dire qu’il faille bêler un pacifisme d’impuissance ?
Face aux criminels, aux exploiteurs de la paranoïa collective, faut-il s’abstenir de dire les faits ?
Non, la liberté et la raison doivent être défendues sans a priori.
Menons la guerre des idées pour éviter de succomber à l’obscurantisme délirant.
Il va de soi que tout individu peut rechercher son « salut » dans une quelconque croyance, ce qui n’est jamais qu’une manifestation de sa liberté absolue de penser.
La religion ne pose problème que lorsque quittant la direction de ses adeptes, elle entend régir la société entière.
Des préceptes évangéliques qui inspirent les juges conservateurs américains aux aberrations de la charia, les ténèbres planent sur le monde.
Contre eux, célébrons la vie -toute vie- et la liberté.

Gérard CHAROLLOIS