Les trente honteuses.

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Avec la défaite des fascismes, après 1945, le monde connut une phase de progressisme dans l’ordre social, économique, politique, éthique.
La sécurité sociale pour tous, la retraite des travailleurs, la solidarité envers les plus humbles, la protection de l’enfance, la prévalence de l’éducatif sur le répressif, la confiance dans la liberté et la quête de l’égalité des conditions imprégnaient une société dynamique, généreuse, ouverte, optimiste, engagée, militante.

Ce furent les trente glorieuses durant lesquelles la croissance économique ne fut que le moindre détail, la simple écume qui accompagna une jeunesse ardente, iconoclaste, parfois égarée par ses enthousiasmes et ayant opté pour des régimes aberrants mais au nom du mieux, de la compassion, de la révolte devant les injustices.

Les jeunes gens des années 1960 voulaient changer le monde pour le rendre meilleur.
Ils rêvaient de fraternité, de « peace and love » et certainement pas d’intégrer une école de commerce.

Je salue d’autant plus la qualité morale de ma génération que je n’eus pas à revenir d’erreurs dictées par les modes et conformismes de ce temps et que je n’ai jamais, pas même à 17 ans, en mai 68, considéré MAO, CASTRO, BREJNEV et assimilés comme des libérateurs, bienfaiteurs de l’humanité, précurseurs d’une société où il ferait bon vivre.

Mais cette génération bouillante était volontaire, en quête d’une issue de secours. Elle portait des espérances qui, si elles furent illusions, valaient tellement mieux que le nihilisme autolytique, la chute morale, la résignation servile qui stupéfient les décennies suivantes.


Après les trente glorieuses de 1950 à 1980, le triomphe du Thatchérisme reaganisme fit les trente honteuses.
Les forces d’argent imposèrent à la planète entière leur loi délétère avec privatisation de l’économie, soumission du budget des Etats aux règles régissant la comptabilité des épiceries, culte de l’entreprise privée et du commerce, acculturation des individus qui cessant d’être des citoyens militants se muèrent en sujet du Marché, consommateurs décérébrés incapables d’une réaction efficace, collective, concertée, contre la dictature planétaire de la finance.
Les forces d’argent ont indéniablement, grâce au contrôle des médias, gagné la bataille culturelle.
Les peuples ne bougent plus, ne mmilitent plus et mieux encore votent de moins en moins ce qui est l’objectif de l’oligarchie.

La finance s’amuse du folklore d’un altermondialisme et des « indignés », dès lors que ces manifestations de sursauts ne compromettent pas l’inexorable marche du tyran.
Qu’importe, pour les oligarques, le nombre des protestataires dans les rues d’Athènes, de Madrid ou d’ailleurs.
Le tyran dicte : il faut supprimer un emploi public sur deux jusqu’à ce qu’il n’y en ait plus, le pouvoir d’achat des salariés doit être abaissé, les contraintes fiscales, sociales, écologiques frappant les forces vives doivent être constamment allégées et le seront nonobstant le vacarme de la rue.
Que pensent les oligarques ?
Ceci :
« Laissez-les crier, tambouriner, défiler, monter des tentes et discourir » !
« Laissez-leur le droit de s’amuser, c’est le dernier que nous leur consentons ».

Aucune remise en cause politique sérieuse, menaçante, structurée, n’inquiète la spéculation, le jeu des Marchés et de leurs chiens de garde, les agences de notation.
En brisant, au nom de la récusation des idéologies, toute opposition organisée, le Marché assure son règne mondialisé en toute quiétude.
Sa propagande sommaire tout autant qu’efficace tient à ce nihilisme :
« Il n’y a pas d’alternative, de solution de rechange, d’autre système. Alors débrouillez-vous pour sauver votre peau ou plutôt votre compte en banque, vous, animaux cupides, et rêver de devenir riche, rêver puisque le rêve est le gardien du sommeil ».

Et puis, sans aucun esprit de critique et de recul, les médias commentent, « la dette publique ! ».

Magnifique imposture, fruit empoisonné du néo-conservatisme des années 1980 !
Nous pourrions démontrer que l’Etat, c’est-à-dire en démocratie le peuple souverain, n’a pas de compte à rendre à des banques, des fonds d’investissements qui ne possèdent aucune légitimité à imposer leurs choix et intérêts.
L’Etat, c’est-à-dire les citoyens, doivent demeurer maîtres de leur destin et financer l’intérêt général par trois sources :
---- l’impôt ;
---- l’émission monétaire ;
---- la nationalisation d’activités économiques, dans le cadre d’une économie mixte, alliant secteur privé et secteur public rentable, au profit de la collectivité.

En aucun cas, l’Etat ne doit emprunter, tomber sous la coupe du Marché, car tout débiteur dépend de son créancier.
La droite de l’argent, au pouvoir ici et ailleurs, édicta en 1973 une loi contraignant l’Etat à se financer par l’emprunt auprès des usuriers privés.
Ce fut le premier crime contre le bien public et la démocratie, dès lors que le peuple souverain perdait, de fait, la maîtrise de la finance publique.

Puis, vinrent d’autres crimes portant des dénominations fumigènes, à savoir LOLF et RGPP.
L’ensemble ne vise qu’à remettre ce qui n’a pas de prix (santé, justice, éducation, sécurité publique, protection de la nature) à l’appétit du Marché.


Les dogmes dits « libéraux » ont imposé la confiscation des biens publics par les petits copains du parti conservateur privations mafieuses avec constitution des célèbres noyaux durs, défiscalisation au profit du « premier cercle », amis du pouvoir.
Les libéraux ont soumis l’Etat à une comptabilité de boutiquier mais une boutique qui n’aurait plus le droit de se financer elle-même.

Loin de réagir, les peuples nourrissent des réflexes plus proches de ceux des années 1930 que de l’élan de générosité des années 1960.
Cela promet des lendemains qui déchantent !
Il faudra toucher le fond pour rebondir et comprendre que le sauve-qui-peut
Individuel ne mène à rien et qu’il faut changer de paradigme .
Gérard CHAROLLOIS
CONVENTION VIE ET NATURE
MOUVEMENT D’ECOLOGIE ETHIQUE ET RADICALE
POUR LE RESPECT DES ÊTRES VIVANTS ET DES EQUILIBRES NATURELS.