Des litiges exemplaires.

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par Gérard CHAROLLOIS - Président de la CVN.


L'association  L214,  oeuvrant statutairement pour la défense animale, avait obtenu des clichés photographiques révélant la commission d'infractions par des établissements concentrationnaires de poules pondeuses.
Aucune violation de lieu privé ne fut alléguée à l'encontre de cette association qui put obtenir, par elle-même ou par des tiers ou  par des salariés des entreprises concernées ou  par des agents contrôleurs empêchés d'agir, les preuves de ces infractions.
Néanmoins, les établissements contrevenants crurent pouvoir agir en référés pour voir faire interdiction à L214 d'utiliser les moyens de preuves des infractions.
Contre toute attente, en violation criante des dispositions de l'article 10 de la CONVENTION EUROPEENNE DES DROITS DE l'HOMME, l'association a été condamnée par un juge des référés, en juillet dernier, à la requête de l'établissement contrevenant à la règlementation, à la destruction des preuves des infractions  avec interdiction de les utiliser.
nul ne nia la véracité des faits dénoncés par les protecteurs des animaux.
Le trouble illicite, à l'évidence peu consistant et peu explicité, résulterait  d'une atteinte à la vie privée de l'éleveur.
Il est indéniable que salarié  comme  employeur bénéficient, dans les locaux professionnels, du respect dû à leur vive privée.
Toutefois, la vie privée n'est point en cause en cette affaire.

Les clichés litigieux  ne montrent nullement des personnes physiques dans l'exercice de leur vie privée mais des cages, des poules mortes et d'autres en mauvais état.
Nul individu dont la vie privée pourrait être affectée n'apparaît sur ces documents filmés et photographiques.
Dès lors, dans un esprit d'impartialité, le juge doit rechercher  un rapport de proportionnalité entre, d'une part, la liberté d'information, de sensibilisation, de constatation d'une infraction et, d'autre part, la protection légitime de  la vie privée de l'exploitant, se ramenant en l'espèce au droit de ne pas respecter la règlementation dans son élevage.
Condamner l'association qui dénonce et démontre  un fait vrai, une infraction avérée et non contestée reviendrait à se faire complice du contrevenant.
Il faut savoir que l'amélioration des conditions de détention des poules dites "en batterie" a été imposée par l'UNION EUROPEENNE  aux éleveurs Français soucieux de réduire au maximum les coûts de production, au besoin en soumettant les animaux à des  conditions de rétention particulièrement cruels.
L'administration Française est embarrassée pour faire respecter par le puissant lobby agricole la règlementation.
S'il advenait que les juridictions Françaises, partant  d'une certaine  subjectivité, privilégient les intérêts des établissements en infraction sur la liberté d'expression, d'information et de constatation des infractions des protecteurs des animaux, le litige devrait être porté, après épuisement des voies de recours, devant la cour Européenne des droits de l'homme qui veille au respect de la liberté d'expression (article 10 de la CONVENTION).
Il est évident que l'atteinte portée ici à cette liberté est infiniment plus grave que celle portée à " la vie privée" de l'éleveur.
Le rapport de proportionnalité n'est pas discutable.
Mais la France demeure le pays des lobbies contre le vivant.

GC.