Restons Charlie

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A Lille comme partout ailleurs nous étions tous Charlie



Par David Joly - Vice président de la CVN

En hommage à toutes les victimes tombées sous les balles de monstres dont la cruauté n’a d’égal que l’idiotie. Une pensée pour notre amie Luce, à qui la CVN témoigne tout son soutien, toute son amitié et toute son empathie.


Barbares, assassins, dégénérés, abrutis, psychopathes, lâches, incapables, ratés, paumés, sadiques, pleutres, écervelés, pervers, endoctrinés, déséquilibrés : voilà tout ce qu’ils étaient.
Peur, intolérance, haine, méfiance, opportunisme, racisme, terreur, repli sur soi, rejet : voilà ce qu’ils espéraient récolter.
Solidarité, amour, empathie, soutien, fraternité, respect : valeurs constatées et revendiquées au sein de tous les rassemblements réalisés aux quatre du coin du pays.
Organisations professionnelles, syndicats, associations, simples citoyens : aucun signe distinctif, tous réunis sous une seule et même bannière : « Je suis Charlie ».
Car Charlie Hebdo est effectivement tout cela à la fois, n’en déplaise à ses contradicteurs qui la plupart du temps n’ont jamais pris la peine de connaître son contenu avant de clamer haut et fort avoir affaire à un organe de propagande raciste ou « religiophobe ».
À Paris, à Lille, à Nantes, à Toulouse, à Pau, à Marseille, à Nîmes, à Strasbourg et dans des centaines d’autres villes, on s’est rassemblés, on s’est parlé, on a échangé, on s’est soutenus, on s’est épaulés, on s’est parfois souri, comme pour dire à l’autre qu’on ne connaissait pas avant : « Je suis là, tu n’es pas seul ».
Nous pouvons donc être fiers de l’hommage rendu à ces femmes et hommes qui ont laissé leur vie pour avoir eu le simple tort de penser pouvoir, au moyen de leurs talents divers, rendre ce monde meilleur, en tentant jour après jour de faire remonter à la surface ces valeurs revendiquées aujourd’hui mais enfouies jusqu’ici dans des profondeurs abyssales.

Enfouies par celles et ceux qui ont tout intérêt à ce que l’individualisme, la compétition et la division soient les règles d’or de notre société : les rentiers de la finance peuvent ainsi continuer de régner sur le monde, abreuvés de dividendes acquis grâce à une masse de salariés pressés comme des citrons. Les lobbies en tous genres peuvent poursuivre leurs ignominies au mépris de l’homme et de la nature, aidés par les pharaoniques détournements d’argent public maquillés en subventions et contributions diverses. Et les représentants de la classe politique peuvent gouverner tranquillement, gérant paisiblement une carrière apte à flatter leur égo surdimensionné, tout en n’oubliant pas de tailler des lois sur mesure pour les amis de la finance et du lobbying.
Le plus gros challenge pour nous, citoyens au sens civique ressuscité par la mise à mort barbare de quelques-uns des nôtres, est à venir : inscrire cette prise de conscience dans la durée, nous libérer de ces chaînes que l’on supporte depuis maintenant trop longtemps, reprendre notre destin en main, et faire en sorte que le temps de notre passage sur cette planète, si dérisoire au regard de l’âge de cette dernière, redevienne un instant de plaisir, de partage, de satisfaction de vivre pleinement les choses en prenant le temps de les savourer.
Ce sera loin d’être facile : une fois les hommages et les funérailles passés, la ploutocratie susmentionnée tentera par tous les moyens (et ils en ont énormément à leur disposition, à commencer par les médias) de nous anesthésier à nouveau afin que tout rentre dans l’ordre.
Le véritable enjeu est donc là : non pas être Charlie aujourd’hui, mais rester Charlie une bonne fois pour toutes.
Sans quoi nous n’aurons absolument rien compris.

Et Cabu, Charb, Wolinski, Tignous, Honoré, Oncle Bernard et tous les autres pourront se dire que l’on s’est bien fichus d’eux.

DJ