J’ACCUSE.


par Sophie Vandeveugle



L’été ne semble pas encore s’essouffler que déjà les crimes d’automne commencent. Les feuilles ne sont pas encore tombées des arbres non plus, mais déjà souffre la campagne des maux et sévices qu’elle s’apprête à subir.
En cette journée de mi-septembre, où les premiers bruits venus perturber le calme de la nature sont les coups de fusils de ceux que j’appelle terroristes, plus communément appelés « chasseurs » pour rendre leurs meurtres moins cruels peut-être, j’écris et j’accuse, car le spécisme tue en tout impunité mais nous mène aussi à notre propre perte.
Les insectes s’activent, les oiseaux fredonnent et les vaches se réveillent, tandis que les lâches, eux, se déguisent. Bientôt la vie reprend son cours, bientôt elle s’achèvera aussi, au son des pas et des canons : les chasseurs arrivent, écartez-vous de leur chemin. Nous sommes le 15 septembre, et le permis de tuer reprend son cours.

Aujourd’hui renaît l’hypocrisie des chasseurs qui se voient en écologistes et revendiquent haut et fort leur importance, quand ils préfèrent taire le nombre d’animaux abattus chaque année. Animaux abattus dont ils disent par ailleurs qu’il s’agit de « prélèvements », par peur peut-être que le mot « assassinats », bien que plus approprié, choque et remette ainsi en question leur légitimité ?
L’être humain est entré de par lui-même dans une ère bien triste et contre laquelle nous ferions pourtant mieux de lutter : celle de la 6e extinction massive, qui touche près de 75% des espèces, et ce à cause de l’action de l’Homme sur la Terre qu’il malmène à volonté. Mais cela ne semble pas inquiéter le gouvernement français, ni même l’émouvoir : face aux chasseurs, Emmanuel Macron descend de son trône et tire la révérence.
En effet, la France se plaît à faire des chasseurs ses « premiers écologistes », dont la bonté va jusqu’à participer « bénévolement à la sauvegarde de la biodiversité »… Du moins, selon la Fédération Nationale des Chasseurs (FNC), présidée par Willy Schraen, également homme politique et ami de Gérard Larcher, qui n’est autre que le Président du Sénat.

Mais les chasseurs aiment-ils autant la nature qu’ils le prétendent ? la respectent-ils vraiment, lorsque leur présence ne fait qu’y laisser des sillons rouges encore tièdes des victimes qu’ils ont abattues légalement, de sang froid ?
D’où leur vient cette légitimité que le Président et ses amis leur confèrent, quand ils prétendent connaître la nature et les animaux, mais ne daignent surtout pas admettre que la faune sauvage se régule naturellement ?
Pourquoi parler de régulation grâce aux chasseurs, si ce n’est pour tromper la population et trouver des excuses absurdes autant que fausses à la pratique de la tradition barbare et inutile qu’est la chasse, lorsque des animaux sont élevés puis relâchés dans la nature dans le seul but d’être tués ? Pourquoi parler de régulation lorsque certains sont même abattus dans des parcs fermés ? Pourquoi, sinon parce que la chasse n’est pas ce qu’elle prétend être, mais demeure plutôt une forme de terrorisme légal qui sévit dans les campagnes, à coups de fusils et de lâcheté, au nom de l’idéologie spéciste ?

Pour les animaux, je réclame la justice, la liberté et le droit de vivre dignement. Pour les animaux, j’accuse la société actuelle qui se nourrit des discriminations et des oppressions, et j’accuse ceux qui n’ont pour dessein que de veiller à ce que rien ne change. Parce les animaux ne nous sont pas inférieurs, j’accuse.

J’accuse Emmanuel Macron, Président de la République française, et ses acolytes de se servir de la chasse par intérêt, et ainsi, de se servir de la vie de millions d’animaux abattus froidement, par plaisir, par tradition, par désir de supériorité humaine, tout en prétextant faire de l’écologie. L’hypocrisie de ces politiques qui s’intéressent à la chasse pour ce qu’elle a d’économique et ce qu’elle peut leur apporter, l’indifférence à la souffrance animale de ces politiques qui se complaisent dans une société spéciste pourtant destructrice, qu’ils entretiennent qui plus est, tout cela fait part d’un profond manque d’empathie, mais surtout d’une tendance à élaborer des stratégies honteuses pour se rendre populaires auprès d’une partie de la population qui aime la chasse, et prétend aimer la nature tout en la massacrant.
J’accuse par conséquent la stratégie de séduction d’Emmanuel Macron qui va à l’encontre du bien-être animal et donc des préoccupations des Français, dont 69% rejettent massivement la chasse selon un sondage IFOP de 2019. La stratégie de conquête de la ruralité qu’il a adoptée ne peut justifier le sacrifice ainsi fait des animaux qu’il est autorisé de chasser en France, pour des raisons qui peuvent tout autant être remises en cause, les seuls véritables nuisibles étant les Hommes.
En outre, j’accuse Emmanuel Macron d’être le Président de la régression en matière de respect des animaux. Celui-ci s’est en effet rendu en forêt le 15 décembre 2017, au domaine de Chambord, après une battue, ressuscitant ainsi une forme de chasse présidentielle. Devant les dizaines d’animaux abattus, le Président de la République s’est rendu coupable d’un retour en arrière tout à fait regrettable, puisque cela ne s’était plus produit depuis 40 ans. Et cet épisode ne fut que le début d’actes indignes de la responsabilité morale et éthique que n’importe quel président devrait assumer.

J’accuse Emmanuel Macron ainsi que Willy Schraen, Thierry Coste (lobbyiste) et François Patriat (sénateur) de vouloir démocratiser la chasse, qui n’est autre que l’assassinat de victimes désignées, en se servant du prétexte écologique, bien qu’il soit contestable, tout en se désintéressant du peuple, dont 84% jugent que la chasse est dangereuse pour eux selon un sondage IPSOS de 2018, et dont 71% disent ne pas se sentir en sécurité en période de chasse dans la nature, selon un sondage IFOP de 2017. Les faveurs ainsi accordées aux chasseurs, en plus d’être cruelles par rapport aux animaux chassés, privent la population du sentiment de sécurité et de tranquillité que chacun devrait avoir chez soi.

J’accuse le Sénat d’avoir rejeté l’amendement visant à interdire le piégeage des oiseaux, que ce soit à la glu, avec des filets ou par d’autres méthodes, alors que 84% des Français sont contre ces pratiques selon un sondage IPSOS réalisé en 2018. Si la population a en grande partie conscience de la cruauté de cette chasse traditionnelle et du danger que cela représente pour de nombreuses autres espèces que celles visées, le gouvernement, lui, semble se moquer autant du respect animal que de l’avis des Français qu’il est censé représenter.

J’accuse Thierry Coste, patron de la société Lobbying et Stratégies, entre autres, de tirer profit de son influence considérable, passée et présente, sur le Président et ses prédécesseurs, en faisant gagner la chasse, et ses pratiques les plus cruelles comme la chasse à la glu, malgré les conséquences désastreuses que cela peut avoir sur la biodiversité. Son manque de morale, assumé, fait vivre un enfer aux animaux non humains tandis qu’il s’attache à faire de la France le paradis des utilisateurs légaux d’armes à feu.

J’accuse les membres des groupes de LR, LREM, UDI-MoDem et MRSL ayant voté en faveur des cadeaux pour les chasseurs de contribuer à la mise à mort d’animaux innocents, au non-respect de l’environnement et de la biodiversité, et à la protection des chasseurs qu’ils ont ainsi placés sur un piédestal. Ce faisant, j’accuse ces mêmes personnes de ne pas faire correctement leur travail, puisque leurs décisions ne respectent pas l’avis de 81% des Français qui ne sont pas favorables à la chasse selon un sondage IPSOS de 2018.
En effet, dans le texte adopté par le Sénat sont stipulés plusieurs cadeaux inacceptables et injustifiés, parmi lesquels la rédaction des plans de chasse par les fédérations elles-mêmes, des aides supplémentaires de l’Etat pour les chasseurs, ou encore la possibilité pour les chasseurs de gérer des réserves naturelles.
De plus, un délit d'entrave a été créé ; un élément du texte fait état de la peine encourue par les personnes qui s’opposent à la chasse : celles-ci risquent désormais un an d’emprisonnement et 30 000€ d’amende si elles empêchent, entravent ou gênent un acte de chasse. Ainsi, l’Etat français privilégie gravement les personnes qui tuent des animaux, tandis qu’il menace ceux qui tentent de les sauver.

J’accuse François de Rugy (ancien Ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie), Edouard Philippe (Premier Ministre) et Emmanuel Macron d’ignorer sciemment la volonté du peuple en se contentant de réformer – à peine – la chasse à courre au lieu de l’abolir, comme le réclament pourtant 75% des Français, selon un sondage IFOP de 2019. 85% estiment que c’est une pratique cruelle et 76% que c’est une pratique d’un autre âge, selon un sondage IPSOS de 2010.
Par ailleurs, concernant la chasse, de nombreux sondages ont été réalisés récemment et montrent à chaque fois qu’une grande majorité de Français sont pour une véritable réforme de la chasse, avec la création de zones, de périodes et de jours sans chasse, avec l’interdiction de pratiques comme la chasse de nuit, le déterrage, l’élevage d’animaux voués à être abattus par des chasseurs. Un sondage IFOP de 2019 a même obtenu 81% de votes de personnes qui désapprouvent les mesures du Président de la République en faveur de la chasse.
J’accuse donc la décision du Président de réduire le prix du permis de chasse à sa moitié, soit 200€. Ce cadeau fait aux chasseurs lors de la prétendue réforme de la chasse n’est autre qu’un moyen de montrer davantage son soutien aux chasseurs, par intérêt, en quête d'une popularité qu'il ne semble pas envisager d'acquérir grâce à des décisions justes.

En prenant en compte les données et les faits mentionnés ci-dessus, j’accuse l’Etat français de nuire à la cause animale mais également à l’environnement ; de faire du spécisme et du capitalisme ses moteurs et ses seuls intérêts, quelles qu'en soient les conséquences, même si elles menacent la pérennité de l'espèce humaine elle-même ; de permettre des atrocités sur son territoire sous prétexte que la vie des animaux non humains vaut moins que la nôtre, tout en prétextant agir pour la biodiversité, se rendant ainsi coupable d’une hypocrisie mortifère.

Tout cela, ajouté au fait que les animaux sont des êtres vivants sentients, c’est-à-dire capables de ressentir diverses émotions, fait des « actes de chasse » des actes criminels, à l’égard d’un groupe oppressé, les animaux non humains.

C’est pourquoi, outre les sévices déjà subis par les animaux à cause d’une société qui les réifie et les exploite, outre les actes de maltraitance faiblement voire non punis, outre les moqueries et les doigts pointés vers les personnes qui s’engagent dans la lutte pour le respect de la vie animale, j’accuse l’Etat français d’un crime renié, dont on ne parle jamais : le crime contre l’animalité.

SV.

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