République des juges ou république des coquins

Imprimer
MONTESQUIEU, TOCQUEVILLE et la plupart des pères de la démocratie et de la liberté politique énoncèrent le principe fondateur de la séparation des pouvoirs.
Parce que tout pouvoir corrompt et prépare à l’abus, il y a lieu de poser des protections contre les dérives autoritaires ou mafieuses.
Dès lors, ceux qui font la loi, les législateurs, ne sauraient être ni ceux qui exécutent,  ni ceux qui jugent, d’où les trois pouvoirs classiques : le législatif,
l’exécutif et le judiciaire.
Toutes les démocraties connaissent cette séparation des pouvoirs, du moins la quasi-totalité des pays de droit, à une regrettable exception : la France.
Par suite de la crainte des parlements d’ancien régime qui résistèrent à l’absolutisme royal, en 1790 les gouvernants posèrent, par une loi funeste des 16 et 24 août, le principe que le pouvoir judiciaire ne serait qu’une autorité dépourvue du contrôle des autres pouvoirs.
Il en résulta l’apparition de deux corps de juridictions : les juridictions judiciaires, chargées de juger les citoyens, et les juridictions administratives, composées non pas de magistrats mais de hauts fonctionnaires, investies de la mission de conseiller l’Etat et, au besoin, d’annuler ses règlements, voire de juger sa responsabilité.
Au sommet de l’ordre judiciaire, vous trouvez une cour de cassation et au sommet de l’ordre juridictionnel administratif, un conseil d’Etat dont on put dire longtemps qu’il rendait davantage de services que d’arrêts.
Les hommes politiques français redoutent les juges comme les voleurs craignent les gendarmes.
D’une manière populiste, démagogique, dérisoire, ils tentent d’ameuter les ignorants contre une justice qui serait politisée, acharnée à les perdre, aux ordres de leurs ennemis politiques.
Tout ceci serait radicalement impensable dans un autre pays démocratique.
Les juges disent le droit et essaient d’appliquer la loi commune à tous les citoyens.
Par habitude de la servilité de trop de leurs interlocuteurs, les détenteurs du pouvoir politique, à la fois législateurs et gouvernants, ne parviennent pas à admettre l’absence de soumission des magistrats.
Comment osent-ils les traiter en simples citoyens, alors que ces élus s’imaginent dépositaires de privilèges exorbitants résultant de leur élection ?
Or, un élu n’est pas au-dessus des lois communes.
Il ne devrait pas bénéficier d’une quelconque immunité, le plaçant hors de la communauté des humains, au-dessus, dans un espace inaccessible.
Précisons que le juge ne bénéficie, fort heureusement pour sa part, d’aucune immunité et qu’il est un citoyen parmi les citoyens, ce que devraient être un président, un ministre, un parlementaire.
Il est également heureux que le juge ne possède ni le pouvoir de faire la loi, ni celui de décider des intérêts et de la liberté d’un homme sans contrôle.
Toute décision judiciaire importante peut être contestée devant une autre juridiction de réformation, voire déférée à la cour de cassation et même à la cour européenne des droits de l’homme lorsque sont en jeu des questions fondamentales touchant à la liberté et aux droits essentiels.
Pour que ce pays rejoigne la communauté des Etats de droit, je préconise la reconnaissance d’un pouvoir judiciaire, la disparition des deux ordres de juridictions au profit d’un corps unique de magistrats avec des chambres spécialisées en droit administratif, un renforcement des instances de contrôle des dépenses publiques et une interdiction faite aux élus de distribuer de l’argent public à des sociétés et entreprises marchandes, en dehors de tout marché public, la fin des immunités et privilèges de juridictions, notamment la cour de justice de la république qui vient de révéler ses ambiguïtés dans l’affaire dite
LAGARDE/ TAPY.
L’ actualité illustre la déchéance morale d’une certaine classe politique.
A la primaire de la droite de l’argent, le candidat brillamment sélectionné, François FILLON, sera probablement mis en examen le 15 mars pour enrichissement personnel et trafic d’influence. Le candidat arrivé en deuxième position, Alain JUPPE, a déjà été condamné en correctionnelle, il y a une quinzaine d’années et a été mêlé à un scandale de jouissance d’un luxueux appartement. Le candidat arrivé troisième, ancien président de la république, Nicolas SARKOZY, se trouve déjà en examen et est impliqué dans plusieurs procédures pénales.
Or, ces messieurs vitupèrent contre la délinquance, en appellent à « la loi et l’ordre », «, à la tolérance zéro », « aux peines planchers » et, bien sûr, à la nécessité pour les citoyens de faire des efforts, des sacrifices, à travailler plus sans gagner davantage.
Qu’ il faut donc de l’impudence, de l’arrogance, du mépris pour se draper en procureur pour autrui tout en se gavant de prébendes !
Toutefois, employer sa famille ou feindre de le faire pour se rétribuer, offrir des légions d’ honneur aux amis milliardaires reconnaissants, affecter du personnel à d’autres missions que celles pour lesquelles il est rémunéré n’est rien à côté de la grande corruption, celle autour des grands travaux inutiles,dé vastateurs de nature et entrepris uniquement pour fournir aux oligarques des occasions d’immenses profits dont ils ne seront pas ingrats.
Les politiques craignent la république des juges. Pour eux, l’autorité judiciaire n’est là que pour frapper le gueux, le casseur et pour servir l’ordre injuste à l’abri duquel ils mènent, entre copains et coquins, leurs turpitudes financières.
Qui lavera les écuries d’AUGIAS ?
Celui qui séparera les pouvoirs, limitera les mandats électifs, instaurera la proportionnelle intégrale évitant la constitution de fiefs électoraux pour petits potentats locaux, féodaux des temps modernes, celui qui proposera une sixième république.
 
Gérard CHAROLLOIS