Paris en guerre contre les rats

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Pourquoi parler des rats victimes, alors que tant d'autres choses nous apparaissent plus importantes ? Eh bien justement, parce que tout le monde s'en fout...

Le point de vue de notre ami Jean-Paul Richier - membre de la Convention Vie et Nature.


La Ville de Paris a annoncé le 7 décembre qu'elle renforce son plan d'action contre les rats.
« La présence d'un nombre croissant de rats en ville engendre des problèmes sanitaires, esthétiques et économiques. Pour y faire face, Paris a lancé un plan d’action à grande échelle qui se déploiera dans la capitale. »
[...]
« Éradiquer complètement l’existence de ces rongeurs s’avère impossible, l’objectif de la ville est donc de réduire significativement leur présence »

 Les Parisiens sont ainsi invités à dénoncer les rats au Service parisien de santé environnementale (SPSE).
 
A Paris, les rats vivent essentiellement dans des terriers soit sous les habitations, et se nourrissent dans les égoûts (parfois dans les caves ou les sous-sols des commerces ou des restaurants), soit dans les parcs et jardins, où ils trouvent de l’eau et de la nourriture.
C'est ce deuxième cas qu'attaque la Mairie de Paris, car les rats visibles dans les espaces verts peuvent gêner les promeneurs, qu'ils soient Parisiens-électeurs ou touristes-consommateurs.
Ainsi, une action en cours cible neuf parcs et jardins de la capitale, qui sont fermés au public et où sont déposés des pièges d'appâtage contenant des produits raticides. Les raticides utilisés sont des anticoagulants, qui provoquent une mort lente et pénible, voire douloureuse.

 
Qui sont les rats bruns ?

 Le rat brun (ou rat gris, ou rat d'égoût, ou surmulot) dont il est question partage avec l'Homme son ubiquité sur la planète. Bien que nommé Rattus norvegicus, on le pense originaire de Chine, et il a commencé à se répandre au Moyen Âge en suivant les routes des hommes, puis surtout à partir du XVIe siècle en embarquant clandestinement dans les navires. On classe le rat parmi les espèces dites invasives, en général exogènes, mais les espèces dites invasives n'ont en règle fait que suivre au fil de l'histoire la plus invasive de toutes, l'Homo sapiens.

C'est un animal social et intelligent. Nous en avons fait, malencontreusement pour lui, un des modèles d'expérimentation les plus courants (le « rat de laboratoire »), mais plus récemment aussi un animal de compagnie (parmi les « nouveaux animaux de compagnie »). 

Les rats bruns ne sont pas classés dans les listes d'animaux nuisibles prévues par le code de l'environnement. Ils font simplement partie des rongeurs (rats, campagnols, mulots, souris) classés dans les listes d'« organismes nuisibles » possibles (avec des insectes, des parasites, des bactéries…) prévues par l'Annexe B de l'arrêté du 31 juillet 2000.
 

Les rats bruns posent-ils des problèmes graves ?

La Mairie de Paris met en avant des « problèmes sanitaires, esthétiques et économiques ».
Pourtant, on chercherait en vain sur son site des argumentaires soutenant cette affirmation. On y trouve seulement des liens vers des pages rédigées par des entreprises spécialisées dans l'élimination des « nuisibles », qui on s'en doute ne brillent pas par leur fiabilité scientifique.

Pour ne prendre que la dimension que je peux évaluer le mieux en tant que médecin, il est ridicule de mettre en avant un aspect « sanitaire » : on ne voit pas en quoi les rats bruns pourraient mettre en danger la santé publique à Paris.
- Parmi les centaines de zoonoses existantes (maladies infectieuses transmises à l'hommes par des animaux), en France seule la leptospirose peut éventuellement être transmise par le rat brun (mais également par les autres rongeurs, comme le ragondin, ainsi que par les animaux d'élevage ou les chiens). Il s'agit d'une maladie bactérienne (donc sensible aux antibiotiques) transmise par le contact de peau excoriée ou de muqueuses avec une eau ou un sol contaminé par des urines de rats porteurs. Dans les pays industrialisés des zones tempérées, la leptospirose touche classiquement plutôt certaines catégories professionnelles exposées (égoutiers, éboueurs, agriculteurs, éleveurs…) et les adeptes de certains loisirs en plein air (pêche, chasse…). Elle reste très rare en France métropolitaine, même si les cas ont récemment augmenté (628 recensés en 2014, à comparer par exemple aux millions de Français qui ont chaque année recours aux urgences hospitalières pour accidents domestiques). Elle se manifeste par un syndrome grippal (fièvre et douleurs) bénin, dans la majorité des cas, qui peut évoluer jusqu’à un tableau d'atteinte multiviscérale, mais les cas fatals restent exceptionnels en France métropolitaine.
- Les cas d'hantaviroses à SEOV (infection par le virus Seoul), transmises par inhalation d'aérosols de poussières contaminées par les déjections de rats, sont quant à elles exceptionnelles en France (quelques cas par an au plus).
- Enfin, les morsures spontanées de rats sont également exceptionnelles dans les milieux urbains occidentaux.

Sans doute les rats peuvent-ils occasionner quelques dommages matériels en grignotant les aliments, les emballages, les livres, les cables ou les tuyaux, ou quelques souillures par leurs déjections, ou quelques nuisances sonores en grattant les plaques d'isolation ou les cloisons. Il appartient donc aux particuliers et aux commerçants de protéger les lieux qu'ils veulent préserver, ce qui n'est certes pas toujours évident.
Mais les rats parisiens ont aussi un rôle : ils consomment des dizaines de milliers de tonnes de déchets chaque année, et ils contribuent peut-être à éviter que certains égoûts ne se bouchent.
 
Le docteur Georges Salines, chef du Service parisien de santé environnementale (SPSE) de la Ville de Paris argumente, d'après Le Parisien :
« Les rats sont une menace sanitaire réelle. Il n'y a pas de risque de maladie ou de peste... Que les Parisiens se rassurent. Mais ce sont des problèmes de propreté ainsi qu'un réel désagrément visuel et psychologique. »
 
Premièrement, on a du mal a croire que le Dr Salines ait prononcé les deux premières phrases, qui se contredisent elles-mêmes.
Deuxièmement, un « désagrément visuel », dès lors qu'il n'occasionne pas de lésions oculaires, n'est rien d'autre qu'un « désagrément psychologique ».
Troisièmement, le problème de « propreté »,  dès lors qu'il n'est pas accompagné d'un risque sanitaire, n'est également rien d'autre qu'un « désagrément psychologique ».
 

Peut-on vivre avec les rats ?

En clair, la Mairie de Paris va exterminer des êtres sensibles d'une façon lente et pénible au motif qu'ils risquent de provoquer un désagrément psychologique chez les pauvres humains.
 
Je sais que les décisions des élus tiennent régulièrement compte de facteurs « psychologiques ».
Je sais que les rats peuvent suscitent l’hostilité ou la peur car ils font (ou plutôt faisaient) partie des animaux qui peuvent s'installer dans nos maisons sans y être invités, comme les souris, les cafards ou les araignées. Et des stéréotypes comme les rats porteurs de la peste ou les rats mordeurs de bébés ont la vie dure.
 
Mais une solution alternative ne consisterait-elle pas à rassurer la population sur les rats, à l'inciter à ne plus en avoir peur, à l'habituer à ne voir en eux que de simples animaux commensaux, qui sont même pour certains des animaux de compagnie ?
 
Il y a deux ans, un article du Point, à l'occasion d'une ènième médiatisation de la présence de rats à Paris, avait le mérite de pointer la coexistence pacifique, voire amusée, des rats et des hommes.
Rappelons que l'histoire de Rémy, le héros mondialement connu du dessin animé Ratatouille (2007), se déroule à Paris.
 


J'ai écrit à la Mairie de Paris, via l'encadré Paris j'écoute en allant en bas de la page de son site : « Ne vous acharnez donc pas sur les rats, à Paris ils ne posent pas de problèmes majeurs ».