Car le monde et les temps changent (chanson de Bob Dylan)


 

 

 

par Pierre Jouventin - Directeur de recherches au CNRS Directeur de laboratoire d’écologie de la faune sauvage - Membre de la Convention Vie et Nature.

 

 


En France, les dernières réintroductions de lynx ont eu lieu en 1980, alors que l’Allemagne s’apprête à trois lâchers cet été. Notre population d’ours des Pyrénées occidentales ne compte plus que des mâles depuis onze ans et le dernier lâcher y a eu lieu en 2006, alors que l’Espagne a relâché un mâle en mai (cependant 42 oursons sont nés pendant la même période !). Chaque année, la Ministre de l’écologie augmente les autorisations d’abattage de loups, constituant dans ce but une équipe d’emplois-jeunes, ceci malgré des sondages à 80% en faveur du loup et contre l’avis des scientifiques de la CNPN. Dans son dépliant de campagne, le Président de la région PACA, Christian Estrosi était allé jusqu’à promettre des drones pour éradiquer les loups, accusant les gardes du Parc du Mercantour de les avoir introduits… Alors que les prélèvements ADN à partir de poils ont prouvé qu’ils sont venus d’Italie où ils ont toujours cohabité avec les bergers. Nos politiques se disputent les voix des 2% de chasseurs alors que 90% de la population souhaite le dimanche sans chasse pour randonner sans danger. Bref, l’avenir parait sombre.

Pourtant, comme Pierre Athanaze dans le précédent édito, je ne désespère pas. Justement parce que le fossé en matière de nature et d’animaux se creuse démesurément entre la plupart des élus et le peuple. Le 16 janvier, plus de 3.000 manifestants ont fait savoir à Lyon leur opposition à la chasse aux loups, quand le Préfet en attendait quelques centaines. La pétition CAP-Loup a reçu plus de 110 000 signatures. Le colloque ‘Animal politique- Comment mettre la condition animale au cœur des enjeux politiques ?’ a été organisé par deux députées le 2 juin à l’Assemblée Nationale sous l’égide de 27 associations de défense des animaux…

Pourquoi ce retard français qui fait que les premiers enseignements de droit animalier apparaissent cette année alors qu’ils existent en Amérique du nord depuis les années 70, ou bien que les scientifiques de la vie sauvage ne sont quasiment jamais consultés par les services de l’Etat ? Il y a un demi-siècle, 70% des français étaient des ruraux alors qu’aujourd’hui ce sont des citadins et des banlieusards. La culture dominante est en train de changer, y compris chez les ruraux et néoruraux : l’animal de travail est aujourd’hui de compagnie, les abattoirs mal gérés scandalisent et l’éradication du renard a cédé la place à la nostalgie des grands prédateurs. En outre, le changement climatique commence à faire douter notre élite cartésienne. A la faveur de la crise écologique, les amis des bêtes commencent à réaliser que leur combat converge avec celui des défenseurs de la nature, les dissensions interassociatives s’estompant en vue d’une action unitaire pour le vivant, sauvage ou domestique. Il ne s’agit plus de choisir entre nous et l’animal ou entre nous et la nature, mais de protéger les deux si on veut sauver l’homme.

 

Pierre Jouventin était Directeur de recherche au CNRS et Directeur de laboratoire d’écologie de la faune sauvage. Il a publié ‘Kamala, une louve dans ma famille’, ‘Trois prédateurs dans un salon : le chat, le chien et l’homme’, et en 2016, ‘Les confessions d’un primate’ et ‘L’homme, cet animal raté’.

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