L’économie, nouvel opium.

L’homo economicus détruit la nature. Il fait de l’animal une chose. Il exploite ses semblables.

Il aime l’argent non pour ce qu’il permet de réaliser mais pour lui-même, de manière addictive, insatiable, toxique.

Sigmund FREUD, plus philosophe que médecin, assimilait l’argent, dont il ne dédaignait pas la quête, à des excréments.

Le culte de l’argent a généré une doctrine, une société, un système : le libéralisme économique dont l’Europe fut le berceau.

L’Europe est à l’évidence la région planétaire où il faut vivre.

Ailleurs, l’abrutissement religieux, le fanatisme, l’ignorance, le tribalisme, les oligarchies saignent les peuples, contraignant les hommes à fuir, souvent au péril de leurs vies, des régions misérables, où sévissent les guerres, les massacres, les dictatures burlesques et tragiques.

L’Europe représente, pour ces peuples victimes, la lumière qui attire les hôtes de la nuit.

Est-ce pour cela que certains immigrés vouent une haine étrange pour l’Europe, pour les valeurs émancipatrices, pour la liberté, pour le refus de la soumission ?


Les Européens peinent à réaliser leur privilège de vivre en paix, dans des démocraties formelles et apparentes, tout autant qu’imparfaites, mais avec une liberté de conscience et de mode de vie refusées à tant d’autres.

Peut-on, sous nos lauriers, conquis par nos grands ancêtres, dormir satisfaits, loin des volcans de la religion et des identités meurtrières qui infestent les autres régions planétaires ?

Serions-nous parvenus hors de l’Histoire, à une société idéale, pacifiée, prospère, heureuse et généreuse ?


A l’évidence, nonobstant la gratitude pour le chemin parcouru, il faut bien constater les erreurs et les tares nouvelles de la société et reconnaître les périls nouveaux, défis pour les hommes de mieux d’aujourd’hui et pour ceux de demain.

Ici, un mal sournois gangrène la société : l’économisme.

L’économie occupe les médias, fait figure de science, garnit les discours politiques, s’enseigne au lycée et confère du sérieux à tout intervenant sur la scène publique.

Les hommes politiques, sans emprise sur l’économie aux mains d’un Marché omnipotent, dissertent vainement sur des options confisquées par le tyran : la finance mondialisée.

Seule une rupture radicale avec les dogmes du libéralisme économique restituerait à la politique, donc au peuple, présentement privé de sa souveraineté effective, la maîtrise des choix fondamentaux.

Les libéraux, d’un côté, les marxistes, de l’autre, fondèrent leurs doctrines sur le socle de l’économie, c’est-à-dire, sur une fumisterie et sur un poison moral.

Reprenant le mot de notre regretté ami, Bernard MARIS, constatons « qu’un économiste est un individu capable de vous expliquer brillamment chaque matin, pourquoi il s’est trompé la veille ».

Depuis cinquante ans, les meilleurs économistes de France vous expliquent que la sortie du tunnel est pour bientôt et qu’il ne s’agit que d’une crise qui n’attend que la croissance pour se faire oublier.

Libéraux et marxistes partent d’un postulat abject : l’homme n’est qu’un animal cupide, déterminé par son compte en banque, incapable d’être autre chose qu’un producteur consommateur. Pour eux, la place tenue par l’individu dans l’appareil de production commande ses convictions, ses mœurs, sa personnalité.

L’effet performatif, c’est-à-dire la suggestion du postulat, façonna la vie politique de ces deux derniers siècles.


Selon que vous serez salarié, petit commerçant, agriculteur, philosophe, scientifique, vous devrez penser, voter, agir de telle ou telle manière.

Le conditionnement opère et l’instituteur pensera à gauche et le petit boutiquier antifiscaliste, à droite.

L’Europe est malade de l’économisme et de ces médecins de MOLIERE qui viennent à tour de rôle offrir leurs recettes funestes contre le chômage, les faillites d’entreprises, la saturation des marchés.

La pseudo-science économique, paravent des intérêts des oligarques, aboutit à cette constatation désabusée d’un ancien président de la république : « Contre le chômage on a tout essayé ».

Cela n’empêche nullement tout leader de l’opposition du jour, dirigeant de la veille, d’assurer qu’il détient la solution : la croissance.

Or, le débat ne se situe pas à ce niveau imposteur. L’option est éthique.


Le choix salvateur est le suivant :

L’humain n’est pas au service de l’économie, du marché, du profit, de la croissance.

L’économie est en revanche au service de l’humain.

Et, par-delà l’humain, il faut désormais penser le vivant.

Ce qui est fait présentement, en Europe, aux animaux et à la nature relève d’un crime équivalent à ceux perpétrés contre l’humanité.

Au nom du profit, de l’économie, de la production, du marché, on détruit les sites, anéantit la faune, transforme l’animal de rente en marchandise dans des camps de concentrations qui sont des injures à la sensibilité la plus élémentaire.

L’économisme dégrade l’humain, abolissant en lui tout sens éthique, en le sommant de déférer à cette injonction stupide : enrichissez-vous par n’importe quel moyen.

Intoxiqué par l’acculturation ambiante, incité à la compétition, à la concurrence, à l’effort, l’humain perd le sens de l’essentiel : l’empathie.

Qu’ils soient pseudo-socialistes ou conservateurs agents des milliardaires, les dirigeants politiques considéreront comme « terroristes » dignes d’ostracisme, tout militant de la cause du vivant, fut-il le plus pacifique des hommes, dès lors qu’il ose contester les projets d’aménagements, sources de profits pour les oligarques.

Le système financiarisé ne tolère plus la démocratie et diabolise tout véritable opposant.

Raison de plus pour combattre la dictature de la finance, ennemie de l’arbre, l’animal et l’homme.


Gérard CHAROLLOIS


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