La loi de la force.

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L’éthique interpelle la conscience, s’adresse à l’option du « bon » ou du « mauvais », relève d’une délibération intime sans concession permettant d’accéder à une vérité.
La politique relève d’abord du rapport des forces contraires et d’un affrontement légitime et assumé.
En politique, le bien fondé d’une cause n’a que peu à voir avec sa prévalence. Malheur aux vaincus, quels qu’ils soient, quelle que soit la justesse de leur intérêt.
En démocratie, le défi consiste à faire coïncider la justesse d’une cause et la volonté majoritaire présumée faiseuse de lois.
Or, cette coïncidence ne va pas de soi, et lorsqu’elle est atteinte la volonté de la majorité ne triomphe pas toujours des intrigues, des pressions et intimidations.
Ainsi, l’éthique exige l’abolition de la torture tauromachique, de la chasse à courre et la majorité des citoyens souhaite cette abolition.
Cependant, rien ne bouge.
Inversement, le gouvernement insuffisamment « socialiste » vient de renoncer à une écotaxe votée le 21 octobre 2008, à l’initiative d’un gouvernement conservateur, dans les suites du GRENELLE de l’environnement et à la quasi-unanimité du parlement de l’époque.
Cette écotaxe vise à limiter le transport routier de marchandises (88% du tonnage) et favoriser le transport ferroviaire, fluvial et maritime, dans le cadre de la lutte contre les gaz à effet de serre.
L’écotaxe permet également d’envisager une relocalisation de la production et de freiner l’absurde déplacement de marchandises, sans aucun intérêt humain.
Chacun connaît le voyage à travers l’Europe de produits alimentaires qui pourraient être traités localement.
Les régions ayant tout misé sur l’agriculture productiviste et monospécifique se trouvent ainsi victimes de ces transports à bas coût assurant le triomphe du moins disant social.
Il est grotesque de voir les victimes de ce système absurde refuser cette relocalisation et défendre ce qui les accule à la faillite.
Or, les forces réactionnaires, c’est-à-dire les patrons routiers, les agriculteurs, tendance FNSEA, le MEDEF et quelques « nigauds », victimes de la manipulation des précédents, se sont mobilisés pour refuser ladite écotaxe.
Certes, élaborée par l’ancien gouvernement, celui de la secte des adorateurs des entreprises privées, la taxe écologiste est viciée en sa forme.
Le gouvernement FILLON a concédé à une entreprise privée la collecte de cet impôt en lui cédant 20% du produit, soit sur un milliard d’Euros par an espéré, deux cent millions d’Euros.
Les conservateurs rétablissent les fermiers généraux d’antan en confiant à une société privée le recouvrement de l’impôt, démarche systématique de ceux qui veulent déléguer les services publics au secteur spéculatif.
L’écotaxe : un bon principe et une mauvaise modalité.
L’abandon de l’écotaxe signifierait, contractuellement, de fortes pénalités à la charge collective et au profit du concessionnaire.
Comparons :
Le 27 octobre, le même nombre de manifestants, soit de l’ordre de huit cents, se mobilisent à RODILHAN (GARD) contre la corrida et dans l’Ouest, contre un portique écotaxe.
Les premiers nommés, comme tous les défenseurs du vivant, se montrèrent, comme d’habitude, pacifiques et le gouvernement, que certains imaginaient « progressiste », demeure sourd à l’appel de la conscience et aux aspirations de la majorité.
Les seconds, fidèles au style violent des protestations de l’axe « pollueurs exploiteurs », blessent, vandalisent, cassent.
Le gouvernement dit « socialiste » suspend l’entrée en vigueur de l’écotaxe.
Nous voyons que par-delà la pertinence d’une cause, prévaut la brutalité, la peur du trouble à l’ordre public, lorsque la menace provient de la frange conservatrice de la société.
Certains médias sous contrôle discréditeraient des manifestants pacifiques qualifiés promptement  « d’extrémistes » défenseurs des animaux et de l’écologie, intégristes dont il conviendrait d’exploiter la moindre pécadille s’ils avaient l’audace d’en commettre une.
En revanche, un éleveur, un chasseur, un camionneur qui brise, affronte la police, détruit un bien public, participe, pour certains médias formatés, du sain folklore républicain.
Selon que vous serez structurés, menaçants, susceptibles de troubler gravement et durablement l’ordre public ou que vous serez non-violents, les pouvoirs publics s’inclineront devant vos exigences ou ignoreront vos aspirations.
La société ne parvient pas à s’extraire de la loi de la force.
Décidément, nous ne vivons guère une époque moderne et éclairée !

Gérard CHAROLLOIS