Faut-il introduire des ours dans les Pyrénées ?

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Les ours étaient, avant l’expansion des populations humaines, présents partout en Europe. Les hommes anéantirent l’espèce qui se maintint très localement et notamment, en France, dans les Pyrénées.
Un chasseur « assassina », en novembre 2005, la dernière ourse femelle, CANNELLE, de la souche locale qui ne compte plus que deux représentants mâles, dans les Pyrénées occidentales.
Dans les Pyrénées centrales, des ours d‘origine slovène ont été introduits depuis une dizaine d’années.
Le ministère de l’écologie envisage de lâcher deux femelles pour permettre une reproduction avec les mâles pyrénéens survivants, dans la partie occidentale de la chaîne.
À cette annonce, deux cents obscurantistes manifestent bruyamment, avec exhibition de fusils, pour protester contre le sauvetage d’une espèce emblématique de la faune locale.
Voilà qui contredit avec éclat la propagande mensongère du lobby chasse qui prétend que le « chasseur est le premier écologiste », qu’il « gère et protège la biodiversité », baliverne lâchement reprise par les politiciens qui n’en croient pas un mot, mais qui se muent en marionnettes devant les « cynégécrates ».
La vérité purement factuelle est que la chasse est la cause première de la disparition de la faune et que systématiquement ce loisir tue.
Nous avons eu droit, dans la presse formatée, au larmoiement d’un de ces chasseurs anti-ours, déplorant que l’ours consomme des moutons, avec des trémolos, sur le mode ridicule : « l’éleveur aime autant ses bêtes que les urbains aiment leurs chiens ou leurs chats ».
Espérons tout de même que ceux qui vivent avec leurs compagnons, chiens, chats, rats ou autres, ne les possèdent pas pour les égorger et ne les considèrent pas comme des « produits, des marchandises » !
Mais la chasse est le domaine d’une propagande à la GOEBBELS avec d’énormes bobards que les médias colportent volontiers sans le moindre esprit critique.
En fait, ces chasseurs anti-ours, qui n’ont rien des bucoliques bergers d’antan, sont des ennemis de la nature qui ne supportent ni les ours, ni les loups, ni les lynx,ni les vautours, ni les marmottes, ni les bouquetins, ni la vie sauvage. Pour eux, l’espace rural est un stand de tir où ils défoulent leur
haine ancestrale contre tout ce qui vit.
L’appel à la tradition pour justifier une pratique n’est qu’indigence de la pensée car, si la tradition validait les mœurs, il faudrait préserver l’esclavage, les combats de gladiateurs, les ordalies, l’excision des fillettes, la lapidation, les tortures, la guerre, les soumissions à tous les obscurantismes.
Notre espèce se révèle pour l’heure la plus nuisible de toutes, celle qui compromet la viabilité de la planète, qui détruit la biodiversité, qui exploite et tue le plus.
Au nom de petits intérêts économiques, elle conduit à l’extinction toutes les autres formes de vies et artificialise systématiquement l’espace vital de la terre.
Faut-il faire le procès des humains et dresser un trop facile et évident réquisitoire ?
Non, ce n’est pas l’humain qui est coupable mais le chasseur, le promoteur immobilier, l’élu local avec sa soif d’infrastructures nocives.
Allons, ne désespérez pas.
L’immense majorité de nos contemporains veulent des ours, des loups en France, des éléphants en Afrique, des tigres en Inde.
84% des Français veulent l’abolition de la vénerie, cette barbarie immonde et grotesque.
Ils aspirent à des dimanches sans chasse et les tueurs agréés sont moins d’un million, ce qui les fait se crisper davantage sur des attitudes de refus de toute évolution.
Ainsi, en 1984, lors de mon arrivée en DORDOGNE, ce département comptait quarante mille chasseurs. Ils sont cette année dix neuf mille. La tendance est générale.
Les mentalités évoluent. Trop lentement, sans doute, mais inexorablement pour les tueurs agréés.
D’aucuns penseront que les « crétins des Alpes » ou des Pyrénées ne méritent pas les loups et les ours et que la réintroduction de deux femelles ourses, en excitant les maniaques de la gâchette, exposent ces animaux aux risques d’être tués.
Je comprends ce point de vue éthique, d’autant qu’une espèce n’est rien et que l’individu est tout.
Mais la solution passe par l’affirmation d’une volonté résolue de sauver la biodiversité et de préserver chaque être vivant.
Qu’il existe des arriérés pour tirer sur un ours n’a rien d’étonnant.
N’existe-t-il pas des assassins, des violeurs, des escrocs, des gangsters ?
Ce qui est essentiel est qu’il existe aussi des institutions publiques, des services de police, des tribunaux pour condamner ces criminels.
Or, dans le passé récent, il s’est trouvé des autorités publiques pusillanimes pour feindre de croire que les assassins des derniers ours avaient « eu peur » et avaient réagi, avec leurs gros fusils, pour échapper à un péril auquel aucun randonneur ne fut jamais confronté.
Cette fautive complaisance encourage les exactions des ennemis de la terre, au même titre que la lâcheté des pouvoirs publics girondins encouragèrent, pendant une vingtaine d’années avant le nouveau millénaire, le braconnage de la tourterelle des bois en mai dans le médoc.
L’ours protège toute la biodiversité car, pour conserver une espèce emblématique, il convient de sauvegarder son milieu de vie, ce dont profite l’ensemble de toutes les espèces.
Ce qui ne protège pas la nature, c’est l’incurie des autorités publiques confondant des tartarinades avec la voix du peuple.
Les gouvernants ne tiennent pas le langage de vérité qui s’impose.
Affirmons notre volonté claire, forte et inébranlable d’accueillir toutes les espèces vivantes et, au besoin, accompagnons socialement les reconversions économiques.
Bref, subventionnons les ours, les loups et les lynx et non les moutons promis à l’abattoir.
L’élevage de montagne bénéficie de la générosité publique. Réjouissons-nous toujours d’une générosité qui tend à se tarir de nos jours, mais subordonnons les subventions à la présence des espèces naturelles, puisque les montagnes ne sauraient devenir des parcs à moutons, parce que nous refusons l’aseptisation
de la terre, son sacrifice au seul profit, parce que nous voulons des coquelicots dans des champs de blé exempts de poisons, des oiseaux dans les arbres et partout de la vie, changeons les politiques coupables de complicité avec ceux qui tuent, promeuvent, empoisonnent, exploitent, enlaidissent et torturent
la vie.

Gérard CHAROLLOIS