La peur de la nature

Imprimer

Les faits divers, les petites anecdotes du quotidien, les péripéties des gens ordinaires parlent pour une société et la révèlent.
Ainsi, en PÉRIGORD, sur le territoire de la commune de GRIGNOLS, une querelle subalterne de voisinage s’est cristallisée sur une mare. Des voisins plaideurs ont assigné en comblement de ce gîte à amphibiens leurs ennemis locaux au motif que les grenouilles coassent trop près de leur maison au printemps, constituant un « trouble anormal du voisinage ».
Un tribunal rejeta leurs prétentions « contre nature » mais la cour d’appel de BORDEAUX infirma la décision et ordonna que la mare devait disparaître et ce sous forte astreinte par jour de retard, arrêt validé en cassation.
Or les mares, naguère présentes partout dans les campagnes, se font très rares et représentent pour ce que la doctrine contemporaine qualifie de biodiversité, des milieux précieux, fragiles, menacés, des milieux accueillant des espèces ne pouvant pas vivre en dehors de ces points d’eau.
La mare de GRIGNOLS recèle plusieurs espèces intégralement protégées par la loi (loi 76 629), mais le chant des grenouilles perturbe nos plaideurs dont on ignore s’ils exècrent les amphibiens ou leurs voisins humains.
S’agit-il d’une chronique de la haine ordinaire ou de cette peur de la nature qui habite trop de nos contemporains ?
Les tribunaux ont ainsi à connaître fréquemment de requêtes de gens irascibles mécontents du coq, des chevaux ou des vaches du voisin, belle illustration de l’adage sartrien « L’enfer, c’est les autres ».
Il y a aussi ceux qui veulent faire abattre les arbres, les haies de leurs petits ennemis domestiques d’à côté.
Ici, nous voyons que l’animal cupide s’avère volontiers belliciste, tare redoutable, aux effets locaux et parfois mondiaux sous forme de guerres justes, saintes, glorieuses avant de devenir, avec le recul du temps, dérisoires.
L’humain n’aime pas la nature dont il a peur.
Peur des forêts non jardinées, des zones humides, des friches, des animaux sauvages, des herbes folles.
Il y en a même pour se plaindre du chant du rossignol philomèle, des déjections des hirondelles, des chahuts d’une fouine dans un grenier.
Sans doute, l’animal humain raté et dénaturé supportera davantage le vacarme des moteurs à explosions de son trafic routier et l’assourdissant vrombissement des avions aux abords des aéroports, la fumée de ses pollutions cancérogènes que la mélodie de la nature vivante.
Si la montagne et ses ravins, les cours d’eau et les océans ne lui offraient pas des occasions de spéculations financières, l’animal dénaturé demanderait l’aplanissement des pics et le comblement des fleuves car tout ceci est dangereux.
Disons, en synthèse, que l’homme n’aime pas sa planète et que seul l’anime la quête insatiable du profit.
Alors, vous qui n’êtes pas formatés par ce système de pensées, respectez ou mieux créez des mares, sauvegardez les vieux arbres, plantez des haies, laissez la végétation spontanée envahir une partie de vos espaces.
Changeons vite pour sauver la vie, ça presse.


Gérard CHAROLLOIS