Plus dangereux que les radiations : l’homme ?

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Les automobilistes qui parcourent les routes de campagne par les belles journées d’été remarqueront, pour peu qu’ils aient plus de quarante ans, que leurs pare-brises ne se salissent plus comme avant.
Les insectes, mouches et moucherons, moustiques et papillons, hannetons et libellules ne s’éclatent plus en masse, comme avant, ce qui nécessitait de nettoyer la vitre à chaque instant.
Les entomologistes le confirment : les insectes disparaissent les premiers et plus massivement que tous les autres hôtes des bois et des champs qui ne se portent pas très bien.
Batraciens, reptiles, oiseaux, mammifères se raréfient eux aussi malgré les valeureuses résolutions officielles proclamant la volonté des pouvoirs publics de préserver la biodiversité.
Un processus dramatique de mort de la nature est enclenché ici et ailleurs, c’est-à-dire partout sur la planète.
On en connaît les causes : chasse, agriculture chimique et intensive, infrastructures de transports et urbanisation généralisée, artificialisation des milieux, empoisonnement des sols et des eaux, surpopulation humaine et surexploitation du vivant.
En avril 1986 explosait un réacteur de la centrale électrique de TCHERNOBYL amenant la contamination de vastes régions par des nucléotides radioactifs.
L’homme abandonna des milliers de kilomètres carrés devenus inhospitaliers pour plusieurs milliers d’années.
Ainsi, en BIELORUSSIE, la région de POLÉSI devint un territoire sans homme sur une surface de soixante kilomètres de côté.
Or, cette région était naguère riche de chasseurs et d’agriculteurs, la terre s’avérant fertile.
Villages et routes, champs et maisons abandonnées constituent un étrange laboratoire pour les scientifiques.
Les voies de circulation se rétrécissent, gagnées par la végétation spontanée. Les murs et clôtures s’effondrent et les arbres poussent à l’intérieur des anciennes demeures désertées.
Phénomène remarquable, sangliers, cervidés, mustélidés, renards, ours, loups et rapaces peuplent ces espaces que l’homme a fui, devenant très abondants et recouvrant des droits qui leur sont refusés partout ailleurs.
Le directeur de la « réserve de POLÉSI chassa bien le loup du haut d’un hélicoptère, histoire de se défouler un peu, il n’en résulte pas moins que la faune regagne des territoires lorsque l’agro-cynégétisme recule.
Et la radioactivité ?
La vie des animaux est plus brève que celle de l’humain et les effets de l’irradiation n’ont pas le temps de trop se manifester.
Bien sûr, quelques anomalies furent observées sur des nichées d’hirondelles nées sur les toits jouxtant la centrale, mais il faudra d’autres études pour mesurer l’impact de ce mal invisible sur les organismes vivants.
Indéniablement, la nature s’est enrichie en nombre d’individus et en espèces peuplant ce qui devient une réserve.
Pour la nature, l’humain serait-il plus redoutable que la radioactivité ?
Je ne tirerai pas cette hâtive conclusion car l’humain est divers et son impact varie considérablement selon sa culture et ses mœurs.
Le chasseur, l’exploitant frénétique, le promoteur vorace sont indéniablement les plus redoutables nuisibles, sources de massacres, d’aseptisation du milieu, d’artificialisation de ce qui n’est plus la nature.
Mais l’humain ne se réduit pas au chasseur et à l’homo-economicus.
D’autres approches sont concevables et ce que fit l’explosion de la centrale, une mutation comportementale peut le faire ailleurs.
Il suffit d’apprendre le respect du vivant, de sa diversité et de rechercher plus que la biodiversité (collection d’espèces), la naturalité, c’est-à-dire l’acceptation de la nature en tous ses éléments.
Il n’y a pas d’espèces animales ou végétales utiles ou nuisibles.
La nature est à prendre en son ensemble ou à détruire irrémédiablement, car la gestion n’est qu’une notion malhonnête, un concept menteur.
Laissons vivre la nature comme elle l’entend dans des zones que nous lui consacrerons, non quelques confettis dits « réserves naturelles » mais sur de vastes territoires.
Changeons les mentalités : les broussailles ne sont que les végétaux spontanés, la vermine une petite faune méconnue, les marécages des sites prodigieux de foisonnement des formes de vies.
Je n’accuse pas l’homme dans son ensemble d’être le fossoyeur du vivant mais cette infime minorité de chasseurs, d’exploiteurs, d’aménageurs qui tuent, polluent, rentabilisent, dominent et assassinent le vivant.
L’humain hominisé sera un ami du vivant, un protecteur bienveillant et respectueux.
 
Gérard CHAROLLOIS